vendredi 2 octobre 2009

«La femme est belle et intelligente, la preuve en est que son amour s’est posé sur moi»

Beaucoup de bruit pour rien (1600) de Shakespeare, adaptation et mise en scène par René Richard Cyr, en ce moment au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) à Montréal

Non, Shakespeare ce n’est pas seulement «être ou ne pas être», des cris, des larmes, et une Juliette qui se donne la mort aux cotés de Roméo. Non, Shakespeare ce n’est pas non plus que de l’anglais archaïque auquel personne ne comprend rien (la pièce est bien évidement jouée en français) Mais oui, Shakespeare c’est l’amour dans tous ses états. Un amour ici déchirant mais triomphant, plus fort que tout, auquel personne ne résiste. Si l’amour est un combat, c’est avant tout un plaisir et Beaucoup de bruit pour rien est un hymne à ce sentiment tout aussi délicieux que perfide, tout aussi tragique que comique. Comique parce que seul l’amour peut faire rougir les esprits les plus forts et tragique parce que l’amour est plus fort encore que la mort. Une réalité qui résiste au temps pour rendre ce texte étonnamment moderne et audacieux.

La scène se situe en Sicile. Le valeureux Don Pedro revient de guerre avec ses hommes pour rendre visite à son ami Léonato. Le jeune Claudio tombe alors follement amoureux de Héro, la fille de Léonato, ce qui le confrontera à la jalousie de Don Juan et aux moqueries de son ami Bénédict pour qui l’amour n’est qu’un aveu de faiblesse. Mais ce même Bénédict va retrouver Béatrice, une vieille connaissance avec qui il ne cesse de se disputer. Béatrice est la figure même du post-féminisme, elle incarne le personnage de la femme forte et éclairée qui préfère la liberté au désir. Or qui aime bien châtie bien, leurs confrontations verbales ponctuées de répliques à la fois drôles et piquantes ne sont qu’un camouflage de leur amour réciproque. Bénédict finira par reconnaitre que «la femme est belle et intelligente, la preuve en est que son amour s’est posé sur moi» Quant à Claudio, il va tomber dans le piège de Don Juan qui veut lui faire croire que sa dulcinée est infidèle. Claudio va alors choisir l’honneur plutôt que l’amour en humiliant publiquement Héro le jour des fiançailles parce qu’ «il n’y a pas de sérénité qui supporte avec philosophie une rage de dent» Mais les trompeurs seront trompés et tout va se terminer par le mariage de nos deux couples que tout semble opposer.

Jalousie, mensonges, intrigues, farces et tromperies, tout y est! L’adaptation et la mise en scène de René Richard Cyr est légère, facile et drôle (oui, oui, on peut vraiment se marrer au théâtre!) avec David Savard dans le rôle de Bénédict et une Béatrice génialement interprétée par la pétillante Macha Limonchik avec qui il forme un couple à la fois juste, amusant et surprenant.

«Dansons pour alléger nos cœurs!» Ca pouffe de rire et ca applaudit dans le public, tout le monde est debout à la fin de la représentation. Alors, être ou ne pas être au TNM dans les prochaines semaines?!

DU 29 SEPTEMBRE AU 24 OCTOBRE 2009
PRIX ÉTUDIANT : 20 À 35$
http://www.tnm.qc.ca/


mercredi 15 avril 2009

Van Dongen, un fauve à Montréal

En ce moment, au Musée des Beaux-arts de Montréal se tient une rétrospective exceptionnelle de Kees Van Dongen (1877-1968).

Il y a d’abord eu cette exposition du Salon d’Automne de 1905, où un petit groupe d’artistes sous l’influence de Matisse va faire scandale. De ce scandale va naître un mouvement artistique composé de grands noms: Matisse donc, mais aussi Vlaminck, Rouault, Dufy, Braque et... Cornelis Théodorus Marie van Dongen, plus simplement appelé Kees Van Dongen. Ces artistes se distinguent par des formes simplifiées, accentuées et qui semblent presque improvisées. Des couleurs tout à la fois pures, violentes et insignifiantes: « Quand je mets un vert, ça ne veut pas dire de l'herbe; quand je mets un bleu, ça ne veut pas dire le ciel. » dit Matisse. Il se dégage une agressivité qui coupe court à la légèreté de l’impressionisme et qui va mener les critiques de l’époque à traiter ces jeunes artistes de fous, de pervers dangereux, ou bien même de “fauves”! D’où ce fameux courant pictural qu’est le “fauvisme”. Mais l’insulte de “fauve” n’a pas été choisie par hasard (ça n’aurait pas pu être le mouvement des “connaristes” ou des “enfoiristes”...) Ce mot d’origine germanique signifie “le rouge vif”, une couleur dominante chez Van Dongen aux yeux des détracteurs de l’époque et des admirateurs d’aujourd’hui !

L’exposition commence par un Autoportrait en bleu de Van Dongen. L’unique source de lumière dans ce tableau se trouve derrière l’artiste, par une fenêtre ouverte de laquelle dépassent des mâts de bateaux. Comme un contre-jour en photographie, la silhouette n’est alors que peu distincte mais pourtant bien robuste; trop robuste pour un jeune-homme de dix-huit ans. Une subtile représentation de l’artiste qui se veut aventurier et qui ne se laisse dominer que par la lumière : ses idées, sa violence d’esprit! Ce sont ses idéaux anarchistes qui vont déchainer un peu plus tard les couleurs de Von Dongen. Il faut tout renverser pour s’épanouir. Mais c’est pourtant dans l’obscurité des quartiers malfamés de Rotterdam que Van Dongen va d’abord puiser son inspiration: Ces bordels où se mêlent prostituées colorées qui contrastent avec des clients de noir vêtu. Décors tout à la fois amusant avec leurs allures et postures de l’époque, mais aussi émouvants et tristes avec ces visages toujours cachés où l’on distingue à peine leur gène amusée...

Ce n’est que dans la deuxième salle que le fauve est lâché! Le Van Dongen aux couleurs éclatantes, où l’empreinte de Matisse est parfois très clairement inscrite. Ce sont pour la plupart des portraits au regard concentré qui dégagent une expression aussi profonde que joyeuse. C’est coloré, animé, révolté, ca nous bouscule, on en ressort enchanté, vous allez adorez!

On regrettera peut-être que l’exposition soit si courte et ne soit pas située dans le bâtiment moderne du Musée des Beaux-arts de Montréal mais dans l’ancien bâtiment d’en face. La salle obscure et l’éclairage agressif en rajoute parfois un peu trop dans ces tableaux déjà surchargé de couleurs vives. Un conseil; se tenir parfois sur les cotés et non en face des tableaux pour ne pas percevoir les reflets de la lumière.

Après Andy Warhol, c’est une nouvelle belle exposition que nous offre le MBAM, à ne surtout pas manquer!


VON DONGEN – Un Fauve en Ville, du 22 janvier au 19 avril.
Musée des Beaux-arts de Montréal, http://www.mmfa.qc.ca/
Tarif étudiant: 7,50$
Ouverture tous les jours sauf le lundi, de 11h à 17h.


jeudi 15 janvier 2009

"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, mise en scène par Normand Chouinard, en ce moment au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) à Montréal.

Pour vous mettre en condition, il y a d’abord un film à voir: Beaumarchais, L’insolent d’Édouard Molinaro (1996) magnifiquement interprété par Fabrice Luchini, qui nous fait redécouvrir ce génie de la dramaturgie, artisan de la révolution française. On est plongé dans une époque où la monarchie est écrasante, la liberté un combat, l’amour un espoir, et les mots une arme redoutable. On comprend alors la puissance du texte de La folle journée ou le Mariage de Figaro, étonnamment moderne, d’une audace qui fait encore aujourd’hui rougir certaines dames dans le public du TNM.


Beaumarchais l'insolent - 1996
envoyé par mariodelpais. - Regardez plus de films, séries et bandes annonces.

Figaro, qui est au service du puissant comte Almaviva, est follement amoureux de Suzanne, la camériste de la comtesse. Jusqu’ici, rien de neuf sur les planches! Mais le comte qui se lasse de sa femme, n’hésite pas à faire des avances à Suzanne et use (ou abuse) de son pouvoir pour marier Figaro avec la vieille Marceline qui s’avérera en fait être la mère de Figaro... Bref, ca couche à droite comme à gauche pour finalement se conclure par la victoire des serviteurs avec le mariage de Figaro et de Suzanne! Une sacrée claque (pour ne pas dire un “soufflet”) à la Noblesse de l’époque qui se trouve ici ridiculisée. « Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus... »

La mise en scène de Normand Chouinard est hilarante (oui, oui, on peut vraiment se marrer au théâtre!) avec Figaro génialement interprété par Emmanuel Bilodeau, et une splendide Bénédicte Décary dans le rôle de Suzanne à qui il suffit de sourire pour nous enchanter! Et comme “tout fini par des chansons”, de véritables chanteurs lyriques se glissent parmi les figurants accompagnés par un pianiste qui sait donner du rythme et de la gaité à chaque dialogue. Tournant parfois à la farce ou au vaudeville, ca pouffe de rire et ca applaudie dans le public. Beaumarchais dénonce le privilège des plus riches, les abus de pouvoir, les tromperies, la condition de la femme et donne un peu plus de force à la liberté. On y retrouve alors la célèbre et magnifique phrase de Figaro qui est la devise d’un quotidien français du même nom: “Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur”...

Quand le burlesque fricote avec la réflexion, il s’en dégage une véritable émotion. Vous allez adorer!

DU 13 JANVIER AU 7 FÉVRIER 2009
SUPPLÉMENTAIRES LES 11 ET 12 FÉVRIER
PRIX ÉTUDIANT : 30$
http://www.tnm.qc.ca/


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